Nos défaites

 

« Qu’est-ce  qu’un  syndicat ? » « C’est quoi, un régime capitaliste ? » « Qu’est-ce que l’engagement ? » Dans l’atelier qu’il anime pour des lycéens d’Ivry-sur-Seine, qui sont à la fois les techniciens et les protagonistes de ce documentaire, Jean-Gabriel Périot cherche à sonder l’engagement politique de la génération née dans les années 2000. Une démarche que le film présente de manière inquiète, puisque son titre « défaitiste » implique un échec de transmission de la part de la génération précédente, la sienne. Que savent les adolescents des structures politiques de notre pays ? S’en soucient-ils ? Heureusement, l’entreprise du cinéaste se révèle plus fine que l’interrogatoire frontal qui ne constitue que l’un des pans du film. Un autre dispositif se révèle plus fructueux : Périot demande aux élèves de « jouer » des extraits de films politiques d’Alain Tanner, Jean-Luc Godard, Chris Marker ou encore du groupe Medvedkine et, ce faisant, de prendre langue par-delà le gouffre historique qui les sépare des ouvriers ou étudiants révoltés. Mais c’est encore la coda de Nos défaites, tournée in extremis à la faveur d’une sombre actualité, qui infirme le mieux son titre : la violence symbolique du geste policier qui a consisté à mettre cent cinquante jeunes à genoux à Mantes-la-Jolie le 6 décembre 2018 et la grève du lycée d’Ivry s’offrent soudain en travaux pratiques idoines : les consciences politiques s’éveillent en actes, actualisant de belle manière le questionnement abstrait.

 

Charlotte Garson
Études
Octobre 2019